Au quatrième jour des manifestations de rue organisées par l’opposition – emmenée par le Hezbollah et le Courant Patriotique Libre du Général Aoun – l’issue de la crise libanaise reste encore très incertaine. Hier dimanche, environ 100.000 personnes ont occupé le centre-ville, tandis que les 22.000 participants du 4ème marathon international de Beyrouth sillonnaient la capitale « par Amour pour le Liban ». Alors que l’événement sportif se déroulait sans troubles, la journée s’est achevée par des affrontements entre manifestants chiites et partisans sunnites du Premier ministre, Fouad Siniora, dans plusieurs quartiers de la ville. Si l’embrasement a pu être évité grâce à l’intervention de l’armée libanaise, les violences se sont soldées par un mort et plusieurs dizaines de blessés.
Alors que les chefs de la majorité au gouvernement et ceux de l’opposition parlementaire affirment tous défendre des positions nationalistes et vouloir s’opposer à l’intervention des puissances étrangères dans les affaires intérieures du pays, ce bras de fer entre Libanais se déroule sur fonds de tensions croissantes entre les deux principales communautés musulmanes – sunnites et chiites – présentes au Moyen-Orient. Le fait que les affrontements à Beyrouth aient eu lieu essentiellement entre musulmans semble traduire localement cette problématique régionale, à l’œuvre dans plusieurs pays de la zone, tels que l’Irak et le Bahreïn.
Les leaders chrétiens du Liban se trouvent quant à eux profondément divisés entre partisans du gouvernement de Fouad Siniora – héritier politique de Rafic Hariri, dont l’assassinat a déclenché « l’Intifada du 14 mars » 2005 et conduit à l’expulsion de l’armée syrienne du Liban – et fidèles du Général Aoun – signataire d’un pacte d’entente politique avec le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à la veille de la guerre de cet été, dans le but de permettre aux deux formations une plus large participation au pouvoir. Cette division affaiblit considérablement le « camp chrétien » et renforce le sentiment d’insécurité au sein des communautés chrétiennes, déjà exacerbé par la guerre de l’été dernier.
Ces agitations de rues interviennent alors que sévit au Liban une grave crise économique, résultat direct de la guerre menée par Israël contre le « parti de Dieu », et dont sont victimes tous les Libanais, toutes confessions confondues. L’agriculture et le tourisme – dont les activités saisonnières emploient une main d’œuvre peu qualifiée, souvent en situation de précarité – sont sinistrés. Les manques à gagner enregistrés par ces deux secteurs atteignent des niveaux dramatiques et l’arrêt de l’activité a conduit à une augmentation du taux de chômage, estimé à près de 20% de la population active, contre 14% avant la guerre.
Dans son action quotidienne, Caritas Liban est témoin de l’appauvrissement généralisé de la population et de la multiplication des situations de détresse et d’exclusion dans tout le pays, tandis que la tentation de l’émigration s’accroît chez les jeunes. Après les premières vagues de licenciements provoquées par la guerre de l’été, nombre de commerces sont aujourd’hui en faillite et les Libanais évitent tout déplacement par peur d’une explosion de la situation.
A la veille des fêtes de fin d’année, habituellement synonymes de réjouissances et de réunions familiales, une part importante de la population se trouve ainsi plongée dans la crainte et la précarité. L’enlisement dans lequel se trouve la classe politique fait malheureusement redouter le pire pour les semaines à venir. Face à cette situation, Caritas Liban redouble d’efforts en vue d’apporter réconfort et soutien moral aux plus démunis. Afin d’anticiper une aggravation à prévoir de la situation humanitaire, un programme de distribution de colis alimentaires non périssables et de fuel a été mis sur pieds, dont l’exécution pourra intervenir à tout moment, quand les événements l’exigeront.